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Le voyage de Fuentes

Jamais le colonel péruvien Juan Mauricio Fuentes n’avait pensé devoir un jour remettre en question ses certitudes les plus monolithiques. Une lettre anonyme et une photo troublante l’obligent à s’extraire de l’oisiveté confortable de sa retraite pour s’envoler vers le lointain Canada, dans une région au nom beaucoup trop exotique, l’Abitibi.

À Aiguebelle-les-Mines, il apprend l’existence et le décès énigmatique d’un richissime jumeau militant gauchiste aux valeurs en totale contradiction avec les siennes. Aspiré dans le combat jouissif d’une population étouffée par de graves enjeux socioéconomiques et environnementaux, le vieux militaire doit faire la paix avec son passé en affrontant les vicissitudes du présent. Il doit surtout anticiper avec sérénité ce qu’il adviendra du reste de sa vie.

Avec le souffle et la couleur propres à plusieurs grandes fictions latino-américaines, Le voyage de Fuentes déstabilise et oblige qui s’y plonge à prendre position.

Une écriture résolument festive. Une finale explosive dont personne ne ressort tout à fait indemne. ¡VIVA FUENTES!

Les jambes qui dansaient sous la neige

Un mal bien mystérieux afflige Jérémy Lesage. Il tousse et tousse, sans raison apparente. Son comportement aussi est pris d’étranges secousses : le jeune passe de plus en plus de temps avec ses nouveaux amis du cégep et s’ouvre à l’exploration. Alarmés, les parents ne savent plus quel baume appliquer sur tous ces maux qui menacent l’équilibre, celui de leur fils, celui de la bonne famille. Il ne leur reste qu’une option : traquer fiston et le reprendre dans les filets de la droiture. Encore faudra-t-il l’attraper tout entier…

Dans ce roman aux accents kafkaïens, Alain Chaperon peint habilement — et avec une bonne dose d’humour — cette période parfois ingrate mais incontournable menant à la découverte et l’acceptation de soi.

Poussières dans l’espace

Contre les Barbares du temps momifié, l’Octogone veut mener une « guerre propre ». Heureusement, ses chercheurs ont mis au point une arme parfaite : l’implantation ciblée de rêves communs. Reste à trouver comment manipuler un peuple entier grâce à des songes ourdis en laboratoire militaire. Le terrorisme intérieur prendra bientôt un tout nouveau sens…

Ce roman d’anticipation, publié au Liban en 2008, est l’œuvre de deux auteurs, Mazen Abdallah et Haidar Safa. Le texte original en arabe fut traduit et adapté en français par Mazen Abdallah et Sylvie Beaupré.

Sylvie Beaupré est titulaire d’une maîtrise en communication de l’Université Laval à Québec. D’abord graphiste puis correctrice d’examens, elle occupera ensuite un poste de chef d’équipe dans la fonction publique. Depuis 2015, elle travaille en arts visuels et en rédaction.

Le poids des choses ordinaires

Le miroir reflétait enfin l’image recherchée, alliant le geste pondéré à la voix convaincante. J’avais réussi, après des heures de pratique soutenue, à trouver le ton juste et naturel. Cependant, j’hésitais encore entre faire une pause de quelques secondes ou enchaîner. Il me semblait que le rappel subtil de notre devise méritait, sinon des applaudissements, du moins quelques rires intelligents.

Seul dans son bureau comme au sommet, Marceau prépare l’allocution qui doit constituer le point d’orgue de la fête donnée le soir même en l’honneur de sa longue et influente carrière universitaire. Tous les gros bonnets et les aspirants de la Nation seront présents, y compris deux amis d’enfance, Vincent le politicien et Catherine la tragédienne. Dehors, des rumeurs courent : Édouard Rivière, un journaliste indépendant, s’apprête à faire publiquement des révélations qui menacent de faire tomber le gouvernement et obligeront Marceau, Vincent et Catherine à jouer leur réputation.

Publié en 2003 et augmenté d’un avant-propos, Le poids des choses ordinaires est un roman social et psychologique toujours frais, portant sur les effets corrupteurs du pouvoir et l’absurde déséquilibre des forces.

La renaissance de L’Interlope

Érigé au cœur de l’ancien quartier du Red Light, L’Interlope traîne depuis plus de cent ans une réputation d’édifice « à double fond ». Sous le couvert d’activités culturelles édifiantes, sa façade patrimoniale a longtemps abrité les amours illicites, dont la teneur suivait les interdits qu’imposait chaque époque. Mais l’inclusivité tous azimuts des années 2020 a sonné le glas de l’opprobre social garantissant son modèle d’affaires, faisant perdre à l’immeuble sa rentabilité. Et si la proclamation de la nouvelle Charte de la prohibition par la Coalition du Progrès était l’occasion rêvée de le faire renaître dans toute sa splendeur?

Mordant dans la rectitude ambiante et l’hypocrisie à l’égard des sexualités, La renaissance de L’Interlope est à la fois une saga familiale gavée de poésie, une chronique des discriminations et un miroir des communautés montréalaises. Mitraillant à 360 degrés, ce récit farfelu est une satire résolument inclusive.

Ninon sur son X

T’sais, j’veux pâs qu’tu penses que j’essaiye de t’faîre la morale, m’sieur Henri. Tu vis ta vinaigrette comme tu veux. Avec ta mentalité à toé. J’fais jusse te partager des p’tites pârts de mon vécu. J’pâs un curé. J’dis pâs au monde comment vivre sa vie. Moé, j’me contente de faîre d’la massôthérapie. Pis contraîr’ment au curé, mes massages, y sont clean pis pratiqués sur des côrps d’adultes.

Ninon en mène large. Elle en a des choses à dire et ça sort comme ça sort. À qui veut bien l’entendre, ou non, elle partage quelques bribes de sa vie, des réflexions, des opinions toujours tranchées. Du même souffle se construit devant nos yeux un personnage plus grand que nature, assemblé morceau par morceau à la mode du kintsugi, cet art que Ninon affectionne tant.

Débandé

La cloche sonne.

Pas un n’ose bouger le petit doigt. Trente paires d’yeux sont fixées sur moi. Est-ce que le cours est fini? La cloche a sonné, non? Ils hésitent. Je pourrais exiger qu’ils restent sagement à leur place. Ils le savent. Tout comme ils savent qu’ils s’inclineraient.

Pour Éric, l’enseignement est un combat. Le seul. Le vrai. Celui qu’il livre depuis plus de vingt ans dans les classes et les corridors d’une polyvalente de Montréal. Ses anciens frères d’armes désormais à la retraite, il forme le dernier rempart contre les incompétents, les anarchistes, les mous de ce monde, autrement dit contre tous ceux qui mettent en péril la civilisation, et contre les pires des barbares : les élèves…

Les jours sang

Marie-Jo cherchait des signes de vie sur le corps de Dédé, secouant son bras inerte puis martelant avec le front sa poitrine en essayant de le soulever par les revers de son blouson. Wally et Milou, à genoux près de lui, sentaient les larmes monter, le ciment de la vie soudain liquéfié et puant, un abîme s’ouvrir sous eux, et tout l’amour du monde disparaître pour toujours.

Après la mort accidentelle de leur chef, trois jeunes voyous convertissent leur désarroi en rage vengeresse. L’idée est simple : prendre le bourgeois assassin et sa femme en otage, et effacer la douleur écoeurante, la vie de misère, l’avenir impossible sans Dédé. Leur plan absurde aura des répercussions inattendues chez les amis des séquestrés, qui croient avoir tout à perdre, comme chez le sergent Brisebois, qui croit avoir tout à gagner…

La valse

Elle valse d’une soirée à l’autre avec désinvolture, distribue sans compter caresses, baisers et poignées de main, agrémente les conversations de ses nombreux exploits. Tout y passe : son mariage parfait, ses succès professionnels, ses enfants au collège privé, son prochain voyage à Bali tandis que, le teint hâlé, elle descend tout juste de l’avion. Tout lui sourit, jusqu’au jour où sa sœur lui annonce sa séparation de son conjoint, qui la trompait avec une femme plus jeune, plus jolie. Évidemment. Et voilà que les doutes sur son monde parfait l’assaillent.

Dans un étrange soliloque à deux voix, une femme détaille ses moindres faits et gestes, à la recherche d’une possible faille qu’il faudra masquer. Elle ne peut faire autrement. Elle incarne la vie rêvée. Une vie réécrite dans le regard de l’Autre.

Monsieur le Président

Orpheline ayant grandi dans un foyer hors de l’ordinaire, Léa avait trouvé la famille dont elle rêvait chez Kaffa, une florissante entreprise de cafetières fondée par Émile le Magnifique. C’était avant l’arrivée impromptue du Président, avant les Étranges, les Oubliés, les Génuflecteurs, les Survivants, avant son brutal licenciement, avant son plongeon dans la grande noirceur. Et avant des retrouvailles tout aussi redoutées qu’inespérées au Manoir Alexandra, où le Président se retrouve livré par le hasard à sa merci… la vengeance sera alors à la portée de sa main.

Dans son récit aux arômes de feuilleton psychologique, Léa porte un regard à la fois naïf et frondeur sur ces entreprises assoiffées de profit et leurs victimes collatérales.

Asphyxies

2093. Fraîchement sorti de prison, Patrice Lajoie s’installe chez sa sœur Régine avec une seule idée en tête : enfiler ses lunettes ludiques, traverser le portail quantique et trouver un réseau safe pour s’adonner aux jeux illégaux dans la BlackPlay. Pris sur le fait par Terminal 037, Patrice, Régine et son conjoint doivent suivre un programme de rachat sociétal du gouvernement et accueillir chez eux, pour un certain temps, une personne âgée défavorisée. Le défi est de taille, le fossé entre les générations, infranchissable.

C’est alors que Patrice fera son pari le plus risqué.

Dystopie tout aussi sombre qu’éclairée, Asphyxies dresse un portrait incisif d’une chute annoncée vers la déshumanisation.

Débâcles

Pierre laisse derrière lui Montréal et sa crise d’octobre pour s’envoler vers sa patrie, un village inuit du nord du Québec d’où il fut déraciné quand il avait sept ans. De retour parmi les siens après vingt-cinq ans d’absence, le jeune médecin inuit prend la pleine mesure de son décalage identitaire et de la force de ses origines, alors que le village est lui-même secoué par un vif désir d’affranchissement.

Inspiré d’un mouvement de dissidence oublié par l’histoire, ce roman tisse habilement les fils de la révolution identitaire québécoise, de la défense des droits ancestraux des Inuits au moment de la construction du barrage de la Baie-James et du retour aux sources d’un homme pris entre deux mondes.

Le soleil a mangé tous les arbres

Un message électronique envoyé au mauvais destinataire marque le début d’une correspondance particulière dans laquelle Vincent confie à une inconnue ses déboires, de courriel en courriel. Des confrères de travail ayant commis une faute grave, il est partagé entre sa loyauté envers eux et son intégrité morale. Au moment où il se voit confier une mission délicate pour laquelle il n’était pas préparé, des liens gênants commencent à l’enserrer.

Roman épistolaire moderne et énigmatique, Le soleil a mangé tous les arbres étonne et ravit par l’originalité de son intrigue et la vivacité de son style.

Corsaire d’hiver

La littérature, le français et l’escrime seraient des disciplines en voie de disparition, craint un Raoul Dagenais occupé à rédiger un ouvrage sur le sujet. Chorégraphe de combat, il est engagé pour le tournage d’un film sur Pierre Le Moyne d’Iberville, figure coloniale dont personne ne semble se souvenir, corsaire d’hiver lancé à la conquête, entre autres, de la baie d’Hudson. Lorsqu’un producteur russe aux mœurs douteuses finance un réalisateur québécois à la foi nationaliste inébranlable, le tournage peut commencer. Comédie d’aventure ou catastrophe en devenir, le long métrage, intitulé Le fléau des Anglais, promet une réflexion sur un passé toujours présent et un avenir incertain…

Ressacs

La mort de la mère puis, peu après, celle du père annoncent pour l’auteure le temps de vider leur maison respective, de faire place nette. Par vagues et ressacs de plus en plus puissants, des souvenirs surgissent à travers les objets qui y sont trouvés, laissant voir les empreintes de la négligence maternelle.
Dans un saisissant récit littéraire qui fait écho à Bonsoir la Muette, roman d’autofiction publié chez Sémaphore en 2016, France Martineau évoque sa mère, les liens brisés, et cette quête de réconciliation avec une femme aimée envers et contre tout.

Vers Saint-Gétorix

Un jeune Gaulois quitte son patelin et les corvées rurales pour poursuivre ses études universitaires dans une grande cité de l’Empire latin, où les résidus de la colonisation, la politique orgueilleuse de la Capitale et la grogne socio-
estudiantine culminante occupent autant son esprit que le devoir de reprendre la ferme familiale.
Résolument anachronique et profondément moderne, Vers Saint-Gétorix pose un regard réflexif teinté d’humour sur les bouleversements ayant secoué les jeunes générations d’aujourd’hui comme celles d’hier, d’ici et d’ailleurs.

Le père en mémoire

Tous les jours, dans le même parc, Sam Quoquochi, un jeune métis de 20 ans, attend son père, un artiste disparu depuis des années. Le fils, racontant ses souvenirs à deux passants partageant son banc, réinterprète et réinvente sa vie le temps d’une histoire : la séparation déchirante, son enfance perturbée, sa recherche des œuvres de son père parsemées de la Côte-Nord aux États-Unis, sous forme de graffitis, de street art, de stabat pater… comme ces répliques du Golgotha, un crucifié en moins.

Roman singulier et brillant d’une relation énigmatique père-fils, Le père en mémoire peint un portrait saisissant de l’aliénation identitaire, sous toutes ses formes. Une plongée dans le désarroi d’un jeune métis.

J’avoue que j’y ai cru

Fin des années cinquante, alors que la société québécoise se libéralise et que les prêtres catholiques tentent désespérément de retenir leurs ouailles, un jeune homme répond à l’appel de Dieu et aux prières de ses parents et deviendra un curé de campagne. Sa nature tiède, toujours entre deux chaises, lui permettra de prendre candidement la pleine mesure des paradoxes d’une nation et d’une Église en pleine transformation. Il quittera finalement les Ordres.

J’avoue que j’y ai cru est un roman d’initiation double, celle d’un jeune homme devenu curé de campagne et celle d’un peuple en devenir, livré avec fraîcheur et finesse.

La porte entrouverte

Le 9 septembre 1957 : c’est sous de bons auspices qu’Amalia décide de livrer le récit d’événements qu’elle ne pourrait confesser ni à Dieu ni au diable. Encore moins aux villageois de son petit recoin figé du sud de l’Italie, où perdre la face est pire que tout. Prise entre les restrictions sociales et sa propre curiosité, entre sa dévotion religieuse et les charmes du Muet, Amalia se découvre des passions dont elle ne soupçonnait pas l’existence.

Roman à la fois intime et pittoresque, La porte entrouverte donne sur ces moments où la vie se joue de l’honneur et des conventions sociales.

Ludo

J’ai tué mon frère.
Il me manque.

Le jour de ses vingt ans, une jeune femme raconte les circonstances d’une terrible disparition, un jour de canicule. Il y a de ces événements qui vous laissent fin seul…

Véritable archéologie intérieure, Ludo est un texte dense, sensible et ciselé sur l’égocentrisme, la cruauté et le remords.

L’engrenage des apparences

Montréal, 2008 : Elena, une jeune Manitobaine, rencontre Mahfouz, un Canadien d’origine égyptienne. Mais ils n’auront pas le temps de profiter de leur amitié tendre : Mahfouz, parti au Caire pour aider son oncle, disparaît, sans laisser de trace ; son père est emprisonné, sans explications. Séparés par un mauvais coup du destin et par l’arbitraire politique, Elena et Mahfouz seront confrontés à des événements qui fissureront leur vision du monde et leur montrera l’hypocrisie du multiculturalisme.

Texte à la fois émouvant et polarisant, L’engrenage des apparences est une brillante mise en scène de l’inégalité inavouable entre les différents citoyens d’une société dite multiculturelle, et entre les différents citoyens du monde.

Le vertige

« Une porte qui se referme derrière toi te sort de tes pensées et tu te retournes pour l’apercevoir. Elle. Elle pour qui tu n’habites pas ici, sur le rivage de ce lac. Elle qui t’a enlevé tout espoir d’être heureux, car tu ne pouvais être heureux que seul et tu ne peux être heureux sans elle. Amélie… Amélie… Amélie. »
À 17 ans, Éthan veut écrire. Faire la fête, exploser de passion, repousser la mort. Toucher les étoiles, en devenir une.

Éthan devient un enseignant de français dans sa vieille école secondaire. C’est la chute. Dans ce récit mené en vases communicants entre les âges, Étienne Cardin-Trudeau trace le portrait du désenchantement de ceux qui ont failli à leurs désirs insatiables de jeunesse éternelle, de vie frénétique, de gloire.

De l’onirisme au délire à la lucidité, de Kerouac à Camus à Melville, Le vertige suit le parcours déroutant du rêveur qui choisit la plus commune des odyssées : l’amour.

Libre-échange

« Désormais loin de Garec, pas encore assez proche de son successeur, je me sens déjà capable d’anticiper la cascade des nominations futures à la tête du groupe, et d’éviter le billot qui attend tôt ou tard chacun de mes futurs patrons. À condition de savoir tenir ma position : tuteur invisible et patient, ombre familière et protéiforme, dernier d’entre les égaux mais toujours debout, dans un coin sombre et en retrait, simple numéro deux. »

Bras droit jusqu’à présent incontesté du numéro un, Alan Schwartz perd bien malgré lui la mainmise sur les rouages de la Beta Gold Corporation à l’arrivée du nouveau président et de sa suite, au moment même où la multinationale canadienne tente de s’arroger les droits exclusifs sur l’exploitation de mines au Venezuela. La table est mise pour un bras de fer auquel seul Schwartz semble convié.

Dans un style hyperréaliste et pénétrant, Libre-échange lève le voile sur les enjeux qui se trament dans les coulisses du véritable pouvoir, toujours au service du plus fort.

L’invasion tranquille

Victor Laframboise a toujours rêvé d’écrire mais n’a jamais su par où commencer. Lorsqu’un romancier célèbre lance un appel à tous pour l’aider à se dépêtrer d’un fatras de visions étranges, Victor saute sur l’occasion et devient l’un des participants les plus engagés d’un ambitieux projet de création participative : la rédaction de L’invasion tranquille. Or, l’aventure prend un tournant étrange, la fiction le disputant en vraisemblance au réel, et le réel le disputant en étrangeté à la fiction. Victor tentera désespérément de démêler l’écheveau du scénario de l’œuvre incomplète et celui des événements insolites qui s’enchaînent…
L’invasion tranquille de Michel Marc Fleury est un récit original et réflexif, où la littérature, l’humour, la philosophie et la science s’entrelacent pour une lecture des plus stimulantes.

Gueusaille

« Denise tergiversait. La vieille, trop directe, la heurtait, rognait le courage qu’elle avait mis à venir s’asseoir en haut de la montagne. Et ce mot, courage, résumait bien ces heures à tourner en rond dans le centre-ville, à se délester à chaque coin de rue de ses craintes morbides, à se convaincre de réagir, à s’imaginer — quelle folie! — que la vieille pouvait… était… cette présence qui la hisserait des ténèbres. »

 

Deux femmes d’horizons opposés, vivant dans un univers impitoyable proche de l’itinérance et exacerbé par la crise du verglas de 1998, trouveront dans la misère la source d’une camaraderie improbable. Olga, Denise et leurs compagnons d’infortune sont témoins et acteurs des injustices d’une société menée par l’appât du gain et des largesses de ceux qui en sont libres. Gueusaille retouche le discours entendu l’itinérance et de la résilience des plus pauvres, lui ajoutant les couleurs de la force, de la dignité, de la solidarité et de l’indépendance.

Le démon de la faim

« Dans la vitrine d’une friperie, elle est là, identique. Clarisse plonge dans ses souvenirs. Sa mémoire exécute un saut périlleux arrière. « Ramène-moi mon père », avait-elle chuchoté à l’oreille de sa poupée en l’enterrant, lui confiant ainsi une improbable mission. À cette époque, elle croyait à l’impossible. Aujourd’hui, elle le vivait. Et ça ne ressemblait pas à ce qu’une enfant, même douée, aurait pu imaginer. »

En quête d’une vie meilleure, Clarisse quitte la lassitude et l’isolement du restaurant familial, point de chute de camionneurs affamés. Ses premiers pas dans la grande ville la mèneront sur une route ponctuée de péripéties, de rencontres, malheureuses ou providentielles, et d’abandons. Sa survie est en cause.

Dans ce récit dense, d’un réalisme parfois teinté d’étrangeté, Michel Dufour livre un portrait saisissant de l’esseulement, de la misère, mais aussi de l’amour inconditionnel et des forces prodigieuses s’associant dans la lutte pour la survie.

En librairie le 31 janvier .

Nathalie ne vit plus ici

« Elle s’installa à la table de cuisine et prépara quelques notes sur un bout de papier, résumant les idées qu’elle voulait partager avec Charlotte. Elle plaça une bouteille d’eau minérale sur la table et s’en servit un verre. Si, à un moment donné, Charlotte lui sautait dessus, elle pourrait l’utiliser pour la frapper. Uniquement en cas de légitime défense. »

Lorsque Nathalie s’installe provisoirement chez Simon, Charlotte et leurs deux enfants, la tension entre les deux femmes est immédiatement palpable. Tout semble les opposer. Et pourtant, elles se trouveront profondément liées par leur propre drame familial. Cette rencontre fortuite opérera une véritable catharsis dont personne ne sortira indemne.

Terminus

« Assise derrière mon volant, j’affronte un défilé d’indifférence journalière. Je m’écrase devant l’arrogance qui me pique de la pointe d’un menton, je sursaute devant la violence démesurée d’un simple geste, je transpire sous la haine qui me respire à grands coups de poumons, je disparais lorsqu’on m’ignore derrière un texto. Je vois la perversité dans un sourire sans sagesse, j’entends la folie d’une discussion sans amis; la drogue explose dans des corps saccadés, l’ivresse coule sous la mollesse de peaux traînées… »

Récit inspiré d’anecdotes réelles, Terminus peint le quotidien d’Anne, une conductrice d’autobus désenchantée de ses tête-à-tête forcés avec la société, qui l’ont contrainte au repli. Au fil de scènes tendres ou dures, souvent insolites, l’auteure engage une réflexion sur les dysfonctionnements sociaux mis en évidence dans le huis clos d’une carrosserie.

Exil en la demeure

Un Québécois d’origine italienne retourne dans son village natal pour régler une affaire de succession après le décès de sa tante. Or, ce retour se transforme en une odyssée dans les dédales administratifs italiens, dans les conventions sociales et, surtout, dans les souvenirs d’une généalogie marquée par l’exil.

Avec son style vif et son art de raconter, l’auteur peint des personnages à la fois ordinaires et plus grands que nature, et traduit habilement le malaise qui accompagne ceux à cheval entre deux mondes. C’est un récit de voyage complet, dans les lieux, dans le temps, dans les multiples petites histoires forgeant une communauté, une famille, un homme. Dépaysement assuré.

Bonsoir la muette

« Vers quatre ans, j’ai cessé de parler. Plus d’un an après, quand la parole m’est revenue, elle s’est installée pour mieux taire ce qui ne pouvait être dit. Des sons, là, pour détruire les traces, pour ensevelir le souvenir. Un lent renfermement au plus profond de soi. »

Dans ce récit d’autofiction, France Martineau recompose d’une plume magnifique des tableaux de son enfance et de son adolescence, marquées par la négligence et la violence, à partir de souvenirs refoulés jusqu’au moment où le silence, sous toutes ses formes, put être définitivement rompu. La démarche de l’auteure suscite également une réflexion sur les conflits entre la mémoire de la victime, celle de l’agresseur et les vestiges du passé, qui ébranlent la prise de parole.

Bonsoir la muette
est un témoignage poignant sur l’inceste et la maltraitance, livré avec finesse, transparence et indulgence.

EN LIBRAIRIE LES 19-20 JANVIER 2016

Éloi et la mer

couverture

« Éloi l’avait sauvée. Lui avait redonné vie dès son premier cri et l’avait investie d’une mission transcendant tout le reste : elle serait dorénavant une Mère, la meilleure des mères. Éloi dans ses bras, affamé de sa maternité, plus rien ni personne n’avait compté à ses yeux, n’avait pu faire le poids devant cette explosion d’affection ressentie pour son fils. »

 

Puis un jour, le fils adulte quitte la maison et la mère se retrouve devant le vide. Sa rencontre avec Antoine, un jeune artiste rêvant de gloire, lui donne l’espoir de combler sa solitude et d’être de nouveau utile à quelqu’un. Éloi et la mer explore avec brio les désirs inassouvis qui se cachent derrière l’adoration maternelle.

Reportages sous influence

« Pour la première fois dans ma vie de photographe ma main se mit à trembler et je n’appuyai pas sur l’obturateur lorsqu’en poussant la porte une vision d’horreur emplit mon viseur : la pièce servait de morgue. La pénurie d’équipements avait conduit à poser les corps des enfants à même le sol et à les entasser les uns sur les autres.

Il y avait certes une série de causes expliquant cette situation… Il y avait surtout, dans cet entrepôt sinistre, l’insistance de la mort : cette mort que montraient rarement les reportages des magazines préférant se cantonner à des rassemblements d’individus faméliques recouverts par les mouches. On photographiait la plupart du temps des Africains misérables en train d’agoniser, sans espoir, mais vivants. Ce reste de vie disait que tout n’était pas perdu et que quelqu’un allait s’en occuper. »

Reportages sous influence raconte la plongée du photographe people Jacques Bresson au cœur de la guerre civile en Angola. Témoin de l’assassinat du patron de la pétrolière Alpha qui, de fait, contrôle le pays, puis kidnappé avec la responsable de Canadian Doctors par un groupe de rebelle, Bresson prend conscience des relations de pouvoir entre l’argent, la révolution et l’aide humanitaire, sans oublier la force d’attraction que sont les diamants.

Un roman sans fioritures ni compromissions, un constat direct et cru sur la manipulation de l’opinion publique.

T’es où, Célestin?

— Es-tu patriote ?

Cette question-là, Célestin reconnut que, s’il avait longtemps évité de se la poser, il ne pouvait plus éviter d’y répondre. Il se sentait Papineau. Il se sentait Nelson. Il se sentait Côté. De la même manière que, sous la remise, il voyait par les yeux d’Émilien Boudreau, de Gus Robert, de Louis Ménard et de Gédéon Beaudin, comme si, en certaines circonstances, les frontières personnelles tombaient au profit d’un collectif. […]

Sur le chemin de retour, les champs enneigés lui ouvrirent les yeux. Il redevint lui-même. Les aspirations belliqueuses tombèrent. Il avait une famille. Qu’arriverait-il à Céleste et aux enfants si Napierville se transformait en Saint-Charles ou en Sainte-Scolastique ?

T’es où, Célestin? raconte le destin de Célestin Verdier, un cultivateur devenu patriote durant les troubles de 1837-38 à Napierville, et des répercussions de son engagement, sur lui et sur sa famille. Ce roman rend hommage aux oubliés de l’histoire des Patriotes, les femmes et les enfants.

Ce qui nous lie

« J’ai écrit à mon père toute ma vie. Je garde même toutes les lettres que je continue de lui écrire et qu’il continue de ne pas lire. Je les relis très rarement, parce qu’il me faut la force des bons jours pour supporter le défilé des petits deuils qui au fond résument ma vie, mais je les garde. Je les garde dans la boîte de mon grand-père — tu sais, la boîte ouvragée avec les papillons ? — parce que les lettres à mon père inconnu dans la boîte faite par mon grand-père que je n’ai pas connu et qui datent, la boîte, le grand-père, et un peu le père aussi, d’une époque que je n’ai pas connue non plus, c’est presque trop parfait. »

Après la mort de sa mère, une jeune femme, Judith, part à la rencontre de son père inconnu et apprend, sur son chemin, à mieux aimer. Son amoureux, surtout, qui est partout parce qu’absent, mais sa mère aussi, comme à rebours, et son père, petit à petit. Prose poétique à laquelle se mêlent l’épistolaire et la narration, Ce qui nous lie utilise la voix, toutes les voix, pour raconter une histoire de filiation, d’accueil et d’amour.

Le récital des décadents

Couverture

Nathaniel, un étudiant romantique, cherche un lieu où lire ses poèmes. Sa rencontre avec Bernard et Donatien, adeptes de la poésie charnelle, bouleversera sa vie. Plongeant dans un univers dément et sadomasochiste, à la recherche de la parole pure et de la source même de la création, Nathaniel délaissera peu à peu ses idéaux et découvrira qu’il porte en lui un rêve « d’élégante cruauté ».

Le récital des décadents traite de pulsions créatrices, de l’irrésistible attrait pour la nouveauté et l’outrance, seules manières de se distinguer dans un monde désabusé, et de la récupération de la folie comme expression artistique authentique. Ce roman pose un regard percutant et satirique sur la course vers l’inédit et décape la démesure de notre époque.

Le sort de Bonté III

Bonté III avait cinq ans. À cet âge, une vache est d’ordinaire à son meilleur. Meilleur est un terme comptable. Une ferme laitière est une entreprise et doit être gérée comme telle. De ce point de vue, les jours de Bonté III étaient comptés. Compté n’était pas un vain mot. Elle avait été une très bonne représentante de sa lignée. Une vache n’a pas à essayer d’être une vache. Sa vie est celle d’une vache : un cycle obligé. Un cycle qui se prête facilement aux additions et soustractions comptables. Elle mange. Elle boit. Elle rumine. Elle pisse. Elle chie. Tout cela coûte tant. Elle ovule. Elle porte un petit. Elle met bas. Elle fabrique du lait. Tout cela rapporte tant. […] Donnant, donnant. La seule chose à faire maintenant pour Bonté III était d’appeler le boucher.

Le sort de Bonté III est une histoire d’amour et de solitude avec des personnages hauts en couleur, une réflexion sur la vie et le besoin vital d’être utile à quelqu’un ou à quelque chose.

La traduction anglaise, The Fate of Bonté III, paraîtra en octobre 2015 aux Presses de l’Université d’Ottawa.

 

Vent noir

La vie de quatre personnages et de leur entourage est bouleversée du jour au lendemain par un événement tragique. Sur un fond de guerre ou, simplement, d’agressivité, de jalousie et de violence gratuite, le roman raconte le quotidien de chacun, avant, pendant et après le drame. Un roman intense, sur un des grands enjeux de notre société : le mal-être, poussé à l’extrême.

First Class

« Au petit matin, lorsque j’ouvris les yeux, Guruji remplissait déjà son devoir de saint. À genoux, joyeux, il entretenait les quelques personnes qui s’étaient approchées. Le thé nous fut servi, il me présenta et les intéressés commencèrent à le questionner au sujet de notre relation. Je connaissais suffisamment de mots clés pour comprendre que mon cher ami faisait élogieusement de moi une cheli modèle à qui il enseignait le yoga, le hindi, les mantras, la philosophie hindoue et, pourquoi pas, le sanskrit, matières que j’étudiais dans son ashram à Omkareswar, où je vivais. […] Il parlait sérieusement, s’arrêtait souvent pour me regarder, m’admirer — et ses interlocuteurs faisaient de même — : fier de son élève, il poursuivait à voix relativement basse, à la manière dont on révèle un secret honteux ou, et c’était le cas, un beau mensonge. »

Récit plein de péripéties au dénouement imprévisible, First Class donne de l’Inde une image loin des lieux communs et des habituels ashrams.

Trou blanc

Puis il m’a lâché. Il faisait peur. Il me haïssait tellement. Je ne comprenais pas. Il avait accumulé tant de haine à mon égard. Incroyable! Cela débordait. J’aurais dit un mot, une insulte, et il me tuait sur place. Sans l’ombre d’un doute. Avec plaisir en plus. C’était écrit dans ses yeux. Qu’est-ce que je lui avais fait? Rien de particulier, j’en étais sûr. J’avais toujours essayé de l’ignorer, ce crétin.

Oublier, est-ce un mécanisme de survie ou une manière égoïste de choisir ses souvenirs? Oublier d’avoir tué quelqu’un, est-ce possible? Trou blanc raconte les tribulations d’un homme à la recherche de son passé, entre Val-d’Or et Montréal.

Colomia

Francis Colomia, un rebelle au cœur tendre et au redoutable crochet droit, est condamné à 10 ans de prison pour un vol à main armée. Prompt à se battre pour ses valeurs, sa vie bascule le jour où l’inspecteur Levarois lui demande son aide. Colomia cherchera alors à se venger et trouvera le monde extérieur bien différent.

Un roman sans compromis, une course contre la mort et des personnages contrastés qui nous projettent dans un réalisme touchant et surprenant. Une écriture efficace qui nous tient en haleine à tout moment, écrit par un Jean-Pierre Trépanier qui connaît à fond le milieu carcéral.