Mobile

Tant d’hivers

Un homme emprisonné dans son corps qui décide de revivre sa vie, magnifiée par l’écriture, pleine et riche jusqu’à son point de rupture.

C’est alors que l’hiver cesse d’être une saison, un jalon de souvenirs familiaux ou d’aventures, et devient la métaphore d’un lent glissement vers la froideur de l’absurdité administrative, des deuils d’une jeunesse sabotée par la maladie et des murs où l’on attend que le temps cesse.

Sixième titre de la collection Mobile, Tant d’hivers est à la fois un hommage à l’hiver et un réquisitoire crève-cœur contre un système de santé qui condamne à la réclusion ces adultes, jeunes ou moins jeunes, mais toujours au printemps de leur vie, dont la condition ne rentre pas dans les cases ministérielles.

Dans les ténèbres de l’omerta

Ils piochaient dans un impressionnant ensemble de corps captifs, tenant pour acquis que notre mutisme était un consentement et que notre terreur cachée, nos tremblements et nos sanglots profonds étaient le miroir de leurs plaisirs illicites.

Boire la mer les yeux ouverts

Maman, j’aimerais te parler encore une fois.
De ma vie. De la tienne à moitié vécue.

Quand la sclérose emporte la mère, les deuils se dédoublent.
La mère santé, la mère malade, la mère souvent entre les deux.

Boire la mer les yeux ouverts offre une suite de tableaux, comme autant de rendez-vous avec elle. Des instants captés dans la détresse du corps étiolé, dans la cérémonie des dernières fois, dans la maladie mangeuse de famille. Des fragments de leurs souvenirs à deux, de soirées emmêlées de confidence et de culpabilité, de la vie qui reprend en filets de grenadine. Une poésie pure, vivante, aimante irradiant de la mère forte, fière, fidèle.
La mère malade. La mère arc-en-ciel.

Nativa (1884-1955) – La maîtresse de Camillien

Prise entre le spectre de la démence et la solitude à l’hospice, Florida Faubert fouille sa mémoire, ses albums photo et sa collection de coupures de journaux pour retracer la vie de sa sœur Nativa, ainsi que la sienne. À la mort prématurée de leur mère en 1895, les deux enfants sont séparées de leur famille et envoyées dans le Maine, où le sort les isole davantage : Florida vivra chez sa tante Odile et Nativa, dans un orphelinat de religieuses parisiennes, afin qu’elle entre dans les ordres. De retour au Canada à l’âge adulte, après quelques années obscures à Lewiston, Nativa deviendra la maîtresse de Camillien Houde. Si l’ancien directeur de banque demeure de nos jours une célèbre figure du Parti conservateur, celle qui le rejoignait en catimini dans sa suite à l’hôtel Mont-Royal n’aura connu qu’ombre et illusion.

Morceaux de mémoire

Morceaux de mémoire est un album-recueil de morceaux choisis parmi les superbes poèmes-collages qu’a publiés, au fil des années, Mathieu Dubé sur son compte Instagram. Des mots choisis, tombés des lames, minutieusement assemblés : le travail de l’éleveur de vers libres relève de l’orfèverie. Il appelle au renouveau de la parole, à l’adéquation entre l’être et le paraître.

Autant œuvre d’art que littérature exquise, la poésie de Mathieu Dubé sait enchanter œil et esprit; livrer ses collages en couleur et en grand format (comme les albums de beaux-arts) tombait sous le sens.

Poète, où te tiens-tu ?

Dans un monde en reste
tes comparaisons calculées
et autocongratulatoires
n’ont plus aucune pertinence
nous sommes tous à la dérive
poète et tes vers n’offrent
aucune attache à l’univers

Poète, où te tiens-tu? est un essai poétique perçant sur les enjeux de la poésie à une époque en déséquilibre.