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PRIX RÉGLEMENTÉ DU LIVRE AU QUÉBEC
 
FOIRE AUX QUESTIONS (FAQ)
 
 
Que représente le secteur du livre au Québec?
• Plus de 12 000 emplois directs
• Un chiffre d’affaires annuel de près de 800 millions de dollars
• Une production d’environ 5 000 titres par année (littérature, livres jeunesse, sciences, guides pratiques, éducation, beaux livres, etc.).
 
Cela en fait la première industrie culturelle québécoise, une composante essentielle de notre identité et le véhicule de notre culture partout dans le monde.
 
Pourquoi réglementer le prix de vente des livres?
Pour éviter qu’un oligopole de trois ou quatre entreprises (éventuellement toutes américaines) remplace l’actuel réseau de vente (un réseau décentralisé composé surtout de librairies, ce qui favorise la diversité éditoriale).
 
Quelles seraient les conséquences de l’implantation de cet oligopole au Québec?
Les géants du secteur du livre pourraient alors dicter :
• les conditions commerciales imposées aux éditeurs et aux auteurs
• les choix éditoriaux, en limitant la commercialisation aux best-sellers assurés, ce qui entraverait la relève et les succès de demain, en particulier la production québécoise
• les prix de vente aux consommateurs.
 
Comment cet oligopole pourrait-il s’établir au Québec?
La pression créée par les magasins à grande surface, qui se servent des livres comme produits d’appel (loss leaders), et par les sites Web, qui les vendent à perte pour s’emparer du marché, épuiserait progressivement les librairies, les forçant à disparaître. Déjà enclenché, ce processus a d’ailleurs mené quatre librairies québécoises à la faillite l’automne dernier. Les géants de l’industrie pourraient alors imposer leur volonté et leur prix, au détriment de l’intérêt collectif et de toute considération culturelle.
 
Que fait-on ailleurs dans le monde pour contrer ce phénomène?
La majorité des pays de l’OCDE ont légiféré, ou sont en voie de le faire, pour empêcher les guerres de prix, et permettre ainsi aux librairies de rester concurrentielles et de jouer leur rôle de vecteur de savoir et de culture.
 
Comment l’absence de réglementation du prix des nouveautés menace-t-elle les librairies?
Les guerres de prix ont entraîné la disparition de milliers de librairies en Grande-Bretagne, en Irlande, aux États-Unis et en Australie. Dans ce pays, même des villes de taille importante (Greater Dandenong : 140 000 habitants) n’ont plus aucune librairie. Combien le Québec compte-t-il de villes aussi peuplées ? Seulement sept : Montréal, Québec, Laval, Gatineau, Longueuil, Sherbrooke et Saguenay. Aux États-Unis, Barnes & Noble, la plus grande chaîne, n’est plus rentable, même après la faillite de Borders, la deuxième en importance, à cause de la concurrence du trio Walmart, Costco et Amazon.
 
Pourquoi s’inquiéter de la disparition possible des librairies puisque d’autres types de commerces continueraient de vendre des livres?
Une librairie offre généralement de 20 000 à 50 000 titres représentatifs de la culture et du savoir, alors que les magasins à grande surface n’en proposent que 200 à 300. La réduction du nombre de produits est d’ailleurs au centre de leur stratégie.  S’il ne restait qu’eux, seules les traductions des best-sellers américains subsisteraient. L’édition québécoise serait la première à écoper et tout un pan de notre culture disparaîtrait.
 
Pourquoi est-il urgent d’agir?
Alors que la situation des librairies est déjà précaire, Target s’efforce rapidement de faire sa place au Québec, et n’hésitera pas à mener une guerre de prix à ses concurrents Walmart et Costco. Pour sa part, Amazon s’intéresse aux petits marchés secondaires comme le nôtre, et l’on peut s’attendre à ce qu’elle réplique de sa stratégie éprouvée sur les marchés non réglementés : vendre à perte pour s’emparer du marché, puis relever le prix moyen de l’ensemble des titres, sauf de quelques dizaines.
 
Est-ce compliqué de réglementer le prix de vente des livres?
Seize pays l’ont déjà fait (Allemagne, Argentine, Autriche, Corée du Sud, Espagne, France, Grèce, Hongrie, Israël, Italie, Japon, Portugal, Mexique, Norvège, Pays-Bas) et la Pologne et le Brésil sont en voie de le faire. Notons que la loi argentine tient en une page.
 
Le sujet est-il polémique?
Les cas récents démontrent qu’il s’agit de projets de loi consensuels : en Israël, c’est le gouvernement de coalition de Benjamin Netanyahu qui a fait adopter le sien en première lecture l’automne dernier. Au Mexique, la chambre législative a approuvé la réglementation à 88,7 %, et le Sénat l’a entérinée à 93,9 %.
 
Comment la société québécoise bénéficierait-elle de la réglementation?
Cette mesure permettrait d’atteindre les objectifs suivants :
 
• Maintenir l’accès des lecteurs de toutes les régions à un large éventail de livres grâce au réseau des libraires, qui offrent bien plus que les seuls best-sellers du moment.
 
• Maintenir les conditions nécessaires au développement et au rayonnement de la littérature québécoise. La librairie offre de la visibilité aux écrivains québécois, dont seule une fraction des livres se retrouve sur les étagères des magasins à grande surface, favorise la relève et la pérennité de notre culture.
 
• Maintenir des commerces de proximité qui contribuent au dynamisme culturel dans les régions et les quartiers des centres urbains, les libraires étant des lieux de découvertes qui valorisent les livres, la culture et la connaissance.
 
 • Stabiliser le prix des livres en évitant qu’un oligopole d’entreprises étrangères, guidé par des considérations économiques à court terme, ne s’empare de ce commerce.
 
• Maintenir une industrie qui emploie 12 000 personnes au Québec et génère près de 800 millions de dollars annuellement.
 
Quel est le modèle de réglementation proposé?
Les membres de la Table de concertation du livre proposent ce qui suit :
• un rabais maximal de 10 % sur le prix d’une nouveauté dans les neuf mois suivant sa publication
• l’autorisation d’offrir tout autre rabais par la suite.
Les modèles que la quinzaine de grands pays industrialisés ayant réglementé le prix des livres ont choisis sont plus ou moins contraignants. Pour sa part, la réglementation québécoise ne s’appliquerait qu’aux seules nouveautés, et autoriserait même des rabais allant jusqu’à 10 % sur ces titres, assurant ainsi beaucoup de souplesse.      
 
Les lecteurs québécois paieraient-ils leurs livres plus chers?
Non. L’expérience internationale est formelle à ce sujet : les lecteurs ne paient pas en moyenne leurs livres plus chers. De nombreuses études économiques menées dans plusieurs pays ont démontré que les réglementations n’ont pas eu pour effet d’augmenter le prix des livres.
 
Par contre, des études réalisées en Grande-Bretagne ont révélé que l’abandon du prix réglementé au milieu des années 1990 a eu comme effet de faire augmenter le prix des livres plus vite que l’inflation. Aussi, durant cette même période, le prix des livres a augmenté plus rapidement en Grande-Bretagne qu’en Allemagne et en France, où ce commerce est réglementé.
 
• À retenir : 61 % plus d’inflation sur les livres en Grande-Bretagne que sur les autres biens de consommation de 1996 à 2007, suivant l’abandon du Net Book Agreement.
 
Quel serait l’effet sur l’accessibilité aux livres?
Il est faux de croire que l’abandon de rabais sur la vente des nouveautés nuirait à l’accessibilité aux livres, ou pourrait avoir un effet négatif sur l’alphabétisation des Québécois. Pourquoi ?
 
• L’expérience internationale et les études démontrent que les rabais sont souvent des leurres puisqu’ils sont accompagnées d’une augmentation du prix suggéré des livres.
 
• Comparativement à d’autres divertissements, le livre est objectivement peu cher et son prix moyen a très peu augmenté depuis 20 ans. Aussi, l’achat de livres ne représente qu’une infime partie du budget moyen des familles québécoises, alors que l’encadrement des prix ne concerne que les nouveautés. La réglementation ne peut donc pas avoir beaucoup de conséquences sur le pouvoir d’achat des consommateurs.        
 
• Les bibliothèques publiques garantissent déjà à tous les citoyens un accès universel et gratuit aux livres. Les Québécois bénéficient de 812 bibliothèques publiques, offrant plus de 1 000 points de service, sans compter les bibliothèques des établissements d’enseignement. L’accessibilité économique au livre est donc un faux débat!
 
• La lutte contre l’analphabétisme est un enjeu sérieux au Québec. Il a été maintes fois démontré que la famille et l’école sont les principaux vecteurs de la transmission du plaisir de lire. Ainsi, les interventions gouvernementales pour valoriser la lecture à l’école sont certainement les meilleurs investissements que l’on puisse faire.          
 
Les magasins à grande surface cesseront-ils de vendre des livres si une réglementation limite les guerres de prix sur les nouveautés?
Le modèle de réglementation proposé serait peu astreignant, s’appliquant uniquement aux nouveautés et n’éliminant pas la possibilité d’offrir des rabais : au cours des neuf mois suivant la publication d’un livre, le rabais offert serait limité à 10 % du prix de vente suggéré, mais tous les rabais seraient autorisés après cette période. Cette réglementation permettrait donc aux magasins à grande surface de s’adapter.  
 
Dans tous les pays qui réglementent les prix, les grandes surfaces continuent de vendre des livres. En France, suivant l’adoption de la loi sur le prix unique en 1981, elles ont protesté avant de s’adapter et même d’y trouver leur compte en offrant plus de diversité, certaines allant jusqu’à créer des espaces librairie. Au Japon, quatre des six plus importants détaillants de livres ne sont pas des librairies; ils se sont distingués en offrant une qualité de service à la clientèle digne de la société nipponne. Le cas le plus instructif est celui du Mexique, où l’on trouve les mêmes grandes surfaces qu’au Québec : Walmart et Costco s’y sont adaptés à la réglementation en maintenant leurs rayons de livres intacts et en offrant des rabais dans les limites acceptées. Elles ne feraient sans doute pas autrement ici.
 
Le livre est perçu comme un produit sophistiqué qui valorise l’image de marque d’un détaillant, attire une clientèle bien nantie et contribue à son positionnement concurrentiel. Les grandes surfaces veulent vendre des livres, tout comme les centres commerciaux souhaitent tous abriter une librairie. Ainsi, Target, qui s’installe au Québec présentement, a déjà annoncé son intention de vendre des livres, comme le font ses rivaux Walmart, Costco et autres.
 
Peut-on réglementer le prix des livres vendus sur des sites Web?
Oui. Les sites qui vendent à des clients québécois sont assujettis aux lois du Québec. Une entreprise située ailleurs devra donc respecter une éventuelle réglementation sur le prix des livres si elle vend aux consommateurs québécois, au même titre que les autres lois propres au Québec (taxes de vente, frais de récupération environnementale, garanties distinctes et Loi de la protection du consommateur). Ces sites Web doivent aussi respecter les droits territoriaux des éditeurs et des diffuseurs nationaux. Cela signifie, par exemple, que les Canadiens qui veulent acheter des livres sur Amazon doivent le faire sur Amazon.ca. Les produits qui s’y trouvent sont fournis par des éditeurs ou des diffuseurs canadiens ayant l’exclusivité de leurs droits de commercialisation. Cela leur donne le pouvoir de convaincre un client (site Web) de respecter les lois québécoises.        
 
Pourquoi réglementer le prix du livre numérique?
Les luttes commerciales dans le domaine du numérique seront encore plus rudes que dans le cas du livre papier. C’est pourquoi les pays qui ont déjà légiféré en matière de livre adoptent des compléments législatifs pour y inclure cette nouvelle réalité. Autrement, les guerres de prix risquent d’entraîner la création d’un monopole de la vente des livres numériques, puis la destruction des réseaux de vente d’imprimés. Les écrivains et éditeurs seraient alors entièrement à la merci d’une seule entreprise qui dicterait ses conditions. Quant aux consommateurs, ils n’auraient pas d’autres choix que de magasiner sur son site. Un tel monopole risque de se matérialiser rapidement, comme l’illustre l’exemple des pays anglophones où le marché du livre numérique est plus développé que partout ailleurs. Amazon y domine et un éditeur qui refuse ses conditions commerciales se coupe de l’essentiel de ce marché. Les éditeurs de partout dans le monde s’entendent sur la nécessité de contrôler eux-mêmes le prix de revente de leurs livres numériques.
 
Comment peut-on éviter les guerres de prix dans la vente de livres numériques?
D’autres pays ont jusqu’à maintenant employé l’une ou l’autre des stratégies suivantes à cette fin :
• un contrat de revente avec les exploitants de sites, appelé agency model, par lequel l’éditeur détermine le prix de vente du livre et fixe la remise consentie au revendeur (généralement 30 %)
• une intervention gouvernementale réglementant le prix de vente des livres numériques, comme nous le proposons.
 
De 2010 à 2012, cinq des six plus grands éditeurs américains ont conclu une entente du type agency model avec leurs clients (Amazon, Apple, etc.). Toutefois, en étant jugés anticoncurrentiels, ces accords peuvent être contestés par les autorités réglementaires, comme cela s’est produit aux États-Unis et dans la CEE en 2012. Les éditeurs québécois qui ont, semble-t-il, signé ce type d’ententes sont donc potentiellement vulnérables à d’éventuelles contestations légales ou à des remises en question par les revendeurs, puisqu’il s’agit d’ententes à court terme.
 
Par ailleurs, plusieurs pays ont décidé d’étendre au numérique leur réglementation sur le prix de vente des livres imprimés, dont la France, en mai 2011, imitée par l’Allemagne, la Corée du Sud et l’Espagne.
 
 Comment faire respecter une réglementation sur le prix des livres numériques?
C’est relativement simple, car les mécanismes de contrôle de l’État et des fournisseurs se renforcent mutuellement. Le gouvernement a en effet le pouvoir de faire respecter les lois par les entreprises qui vendent des produits au Québec sur des sites Web. Ces exploitants doivent aussi respecter les droits territoriaux des éditeurs ou diffuseurs nationaux. Rappelons que les Canadiens qui veulent acheter des livres sur Amazon doivent le faire sur Amazon.ca. Les livres numériques qui s’y trouvent ont été fournis par des éditeurs ou des diffuseurs canadiens ayant l’exclusivité de leurs droits de commercialisation, ce qui leur donne le pouvoir de convaincre un client (site Web) de respecter les lois québécoises.  
 
Les librairies des territoires frontaliers du Québec perdront-elles des clients au profit de commerces de la province ou de l’État voisin où les prix ne sont pas réglementés?
Un regard sur la géographie du Québec révèle que, sauf en Outaouais, aucun centre urbain n’avoisine ses frontières. Il n’existe donc pas d’activité significative de vente de livres dans ces régions. Les libraires de l’Outaouais, seule exception compte tenu de la proximité d’Ottawa, ne craignent pas de voir leurs clients s’approvisionner dans des commerces de la capitale nationale parce que leur offre est différente, en raison de la langue, et parce que les habitants de la région achètent peu à Ottawa. Les avantages de limiter les guerres de prix dans leur environnement dépassent largement les inconvénients d’éventuelles tentatives de récupération par des commerces situés outre frontières.
 
Quelles sont les catégories de livres couvertes par la réglementation?
Les membres de la Table de concertation du livre s’entendent pour qu’elle couvre les nouveautés pendant neuf mois, selon les catégories d’ouvrages assujettis à la Loi sur le développement des entreprises québécoises dans le domaine du livre. La réglementation couvrira tant les livres imprimés que numériques. Comme dans la loi française, tout livre commercialisé en format numérique et sous forme imprimée, ou susceptible d’être produit en format imprimé, serait réglementé.
 
Certains pays regrettent-ils d’avoir réglementé en la matière?
Aucune étude ne remet en cause l’utilité d’un tel dispositif pour les sociétés concernées. Par contre, le modèle anglo-saxon fait régulièrement l’objet de critiques sévères, même dans un article du New York Time (22 juin 2012), qui perçoit le prix unique du livre en France comme un succès.
 
Où puis-je me documenter davantage sur la question?
Le document Réglementer le prix de vente des livres : un enjeu culturel et économique approfondit le sujet et fournit plusieurs références. D’autre part, le site www.noslivresajusteprix.com offre :
des témoignages, des appuis, des liens vers divers documents, des capsules vidéo.