La
poésie
est
un
univers
parallèle
et
qui
parfois
rassemble,
même
dans
les
tranchées
des
soldats
en
composent
à
leur
bien-aimée.
Le
lancement
quelle
belle
expérience
et
continue
à
la
renouveler.
Trois-Clous
dit
ça
après
que
je
lui
aie
dit
être
mal
à
l’aise
dans
les
lancements
la
nuit
dernière
alors
que
je
me
demande
si
je
continue
à
lire
La
parabole
des
talents
de
la
Noire
américaine
Octavia
E.
Butler
ou
commence
Vivant
nulle
part
de
l’Écossais
John
Burnside
apparaît
une
étudiante,
elle
s’assoit
en
face
de
moi
tient
un
appareil
à
enregistrer
caché
dans
une
mince
tablette
elle
me
tutoie
d’emblée,
ce
qui
me
plaît
une
mèche
mauve
dans
ses
cheveux
noirs
un
hibou
aux
yeux
jaunes
sur
son
chandail
des
leggings
vert
forêt
pour
ne
pas
avoir
froid
aux
yeux
elle
suit
à
l’université
un
séminaire
«
Expression
écrite
et
espace »
son
travail,
un
entretien
avec
moi
en
neuf
questions
autour
de
mon
dernier
livre
Nous
sommes
des
énigmes
première
—
c
’est
ton
sixième
livre
de
notes,
pourquoi
des
livres
de
notes
—
une
note
c’est
bref,
je
peux
y
parler
de
n’importe
quoi
gestes
histoires
images
lectures
matières
pensées
ai
l’impression
que
mon
coresprit
est
une
soupe
où
mijotent
plein
d’ingrédients
différents
ce
sont
les
trois
livres
des
Papiers
collés
de
Georges
Perros
qui
me
donnent
envie
de
pratiquer
ce
genre
peu
pratiqué
convenant
à
ma
vie
quotidienne
où
je
dispose
de
peu
de
temps
pour
écrire
après
les
quatre
premiers
tournant
autour
d’un
sujet
(la
méditation,
le
geste
d’écrire,
l’école,
le
geste
de
lire)
le
vieil
homme
que
je
suis
a
envie
de
répondre
aux
trois
livres
d’essais
de
Michel
de
Montaigne
un
familier
des
rois
dont
l’esprit
primesautier
me
réjouit
par
trois
livres
de
notes
traitant
aussi
librement
de
ce
qui
me
traverse
fait
défait
même
si
j’appartiens
à
la
classe
moyenne,
suis
plutôt
un
familier
d’une
ruelle
cabossée
que
des
élites
puissants
de
notre
monde
ai
comme
lui
une
bonne
bibliothèque,
plus
variée
même,
aime
la
franchise
citer
qui
je
lis
aurais
aimé
appeler
mes
trois
livres
simplement
Notes
pour
que
quelqu’un
ait
l’idée
de
les
comparer
à
ses
Essais
voir
ce
qui
change
en
cinq
siècles
répondre
à
Michel
en
ne
cachant
pas
ma
vie
intime
comme
lui
la
mêlant
à
mes
pensées
comme
le
fait
Etty
Hillesum
dans
son
journal
dans
mon
premier
livre
de
notes
Le
secret
du
milieu
en
1994
je
ne
cesse
de
parler
avec
elle
Michel
Etty
Georges
m’habitent
depuis
la
première
page
lue
d’eux
elle
deuxième
—
pourquoi
ce
titre
—
je
ne
veux
pas
être
enfermé
dans
une
identité
envie
de
me
laisser
prendre
par
la
vie
imprévisible
jeune
j’étudie
pour
enseigner
les
mathématiques
ne
lis
pas
n’aime
pas
écrire,
les
rédactions
un
supplice
après
deux
trois
phrases
ai
tout
dit,
il
faut
donc
étirer,
ce
qui
n’a
rien
d’agréable
et
voilà
deux
compagnons
de
classe
m’invitant
à
lire
des
romans
je
mets
quelques
mois
à
lire
Le
château
de
Franz
Kafka
ne
comprends
pas
pourquoi
un
homme
écrit
ça
pour
l’éclaircir
m’inscris
en
lettres
à
l’université
il
y
a
aussi
un
soleil
apparaissant
sur
une
route
de
campagne
dans
La
chartreuse
de
Parme
de
Stendhal
entre
deux
jeunes
gens
troisième
—
pourquoi
tant
de
citations
et
assez
souvent
en
anglais
—
pour
faire
sentir
que
n’importe
quel
moi
est
fait
de
multiples
voix
le
traversant
mes
livres
ne
sont
pas
mes
livres
ce
sont
ceux
de
toutes
les
femmes
hommes
tatoués
en
moi
écrire
c’est
leur
répondre
ce
qui
fait
que
je
peux
lire
avec
plaisir
mes
livres
comme
ceux
d’un
autre
étonné
par
ce
que
j’y
trouve
les
citations
en
anglais,
une
autre
langue
fait
sentir
autrement
les
vibrations
du
monde
les
traductions
me
déçoivent
souvent
difficile
de
rendre
le
souffle
d’un
individu
or
c’est
ce
souffle
qui
me
touche
le
plus
dans
un
livre
quatrième
—
pourquoi
dans
une
note
juxtaposes-tu
des
matières
pensées
différentes
—
j’aime
frotter
ensemble
ce
qui
paraît
ne
pas
aller
ensemble
envie
de
faire
apparaître
l’air
l’eau
le
feu
la
terre
de
la
vie
animant
tout
ce
que
vient
de
m’écrire
Luciole
Verte
va
compléter
ma
réponse
J
’ai
commencé
à
te
lire.
Il
me
semble
que
ton
écriture
est
à
l
’image
de
ta
main
qui
tremble.
Tu
approfondis,
on
dirait,
la
cassure
en
même
temps
que
les
liens
avec
l
’absence
de
virgule
à
certains
endroits,
les
citations,
les
constructions
syntaxiques
inhabituelles.
Tu
le
faisais
déjà,
mais
tu
sembles
aller
encore
plus
loin
dans
cette
voie.
cinquième
—
pourquoi
utilises-tu
pour
parler
de
toi
les
trois
pronoms
je-tu-il
—
j’aime
varier,
supprime
le
je
assez
souvent
la
connaissance
de
soi
passe
par
le
monde
me
rentrant
dedans
tu
est
un
peu
comme
le
hibou
vert
avec
qui
je
parle
nous
ne
sommes
jamais
seuls
il
me
permet
de
voir
que
je
ne
suis
pas
le
centre
du
monde
mais
un
élément
parmi
tant
d’autres
dans
mon
troisième
livre
ai
envie
d’utiliser
le
elle
pour
marquer
ce
que
je
dois
à
toutes
ces
femmes
me
faisant
préférer
les
romans
grouillant
de
vie
aux
essais
voulant
faire
triompher
des
idées
sixième
—
pourquoi
lis-tu
regardes-tu
toutes
sortes
de
livres,
albums
d’enfants
correspondances
essais
littérature
jeunesse
livres
d’art
notes
philosophie
poèmes
psychanalyse
romans
—
envie
de
jouir
de
la
vie
depuis
plusieurs
angles
vois
ma
bibliothèque
comme
une
forêt
enchantée
où
se
balancent
toutes
sortes
de
plantes
bougent
toutes
sortes
d’animaux
respirent
toutes
sortes
d’esprits
septième
—
que
cherches-tu
quand
tu
écris
lis
—
la
chaleur,
je
trouve
le
monde
trop
souvent
froid
sentir
des
souffles
animer
mon
coresprit
un
espace
où
jouir
de
la
vie
dire
mes
secrets,
suis
l’opposé
du
François
de
Jean
Barbe
dans
Comment
devenir
un
ange
disant
Personne,
jamais,
n’avait
le
droit
de
parcourir
mes
jardins
secrets.
mon
secret,
ne
pas
en
avoir,
les
offrir
à
qui
ne
s’y
attend
pas
c’est
naïf
naissant,
on
peut
se
moquer
rire
de
moi
ou
avec
moi
ne
peux
faire
autrement,
n’aime
pas
le
mensonge
huitième
—
ton
livre
de
notes
précédent
Il
y
a
tant
d’il
y
a
s’est
peu
vendu
aucun
compte
rendu
dans
les
journaux
revues
on
ne
le
trouve
pas
dans
les
bibliothèques
de
la
ville
de
Montréal
cet
insuccès
t’affecte-t-il
—
quelle
journaliste
a
le
temps
de
lire
375
pages
de
notes,
un
livre
qu’on
ne
peut
que
lire
lentement
ne
suis
pas
surpris
qu’il
n’y
ait
pas
d’article
donc
que
les
bibliothèques
de
la
ville
ne
l’achètent
pas
quel
universitaire
va
rendre
compte
du
livre
d’un
homme-femme
préférant
aux
concepts
des
intellectuels
les
rires
de
celles
ceux
qui
n’en
sont
pas
plutôt
surpris
que
malgré
cet
insuccès
une
éditrice
veuille
du
suivant
m’en
trouve
chanceux,
aurai-je
autant
de
chance
pour
le
troisième
neuvième
—
souvent
maintenant
les
auteurs
à
la
fin
de
leur
livre
font
des
remerciements,
toi
non,
pourquoi
—
mes
livres
sont
remplis
de
mercis
toutes
celles
ceux
que
je
nomme
mes
livres
avant
tout
des
livres
d’amitiés
où
je
souhaite
à
qui
les
lit
de
trouver
un
moyen
d’expression
aidant
à
ne
pas
passer
à
côté
de
la
vie
reçue
dans
le
ventre
d’une
femme
ai
envie
d’ajouter
quelques
mercis
à
Roxane
refusant
la
première
version
de
mon
livre
ce
qui
me
permet
de
tricoter
plus
serrée
la
seconde,
j’en
coupe
la
moitié
à
Pâque
continuant
à
m’aimer
même
si
elle
aimerait
que
je
me
contente
du
bon
côté
des
choses
garde
secrètes
des
parties
de
ma
vie
enchevêtrée
à
la
sienne
à
mes
proches
avec
qui
je
joue
au
canasta
au
son
du
violoncelle
aux
poires
juteuses
aux
couleurs
des
peintres
que
j’aime
Année
Lumière
à
qui
j’annonce
la
parution
de
Nous
sommes
des
énigmes
m’écrit
bonjour
Philippe,
je
vois
que
l’Austèribou
n’est
pas
à
bout
il
continue
à
produire
et
à
trouver
preneur,
j’aime
ta
façon
de
produire
par
petites
touches
ta
courtepointe
si
personnelle
cousue
du
fil
d’Ariane
de
ta
vie
quotidienne
[….]
j’aime
bien
les
courtepointes
et
toute
la
literie
des
autres,
c’est
un
peu
comme
si
au
lieu
de
construire
mon
chalet
je
préférais
habiter
occasionnellement
celui
des
autres,
une
attitude
de
locataire
vis-à-vis
la
littérature
lui
réponds
nous
sommes
tous
des
locataires
de
passage
sur
Terre
quand
je
lis
dans
l’avant-propos
de
Lise
à
son
roman
Le
poids
des
choses
ordinaires
que
Sémaphore
publie
des
textes
hors
norme
et
hors
mode,
et
pourtant
essentiels
à
la
compréhension
de
notre
société
et
à
la
mise
en
valeur
de
la
beauté,
ce
rempart
contre
la
morosité
j’aime
croire
que
mon
livre
est
un
de
ces
textes
même
si
je
ne
me
crois
pas
essentiel,
ne
sais
pas
trop
ce
qu’est
la
beauté
une
chose
me
paraît
certaine,
tout
texte-souffle
est
un
cadeau
il
faut
en
commencer
plusieurs
pour
trouver
nos
cadeaux
vous
dire
en
finissant
quelle
fête
du
coresprit
a
été
pour
moi
d’écrire
ce
texte
pour
vous
quand
ce
que
j’écris
me
fait
sourire
c’est
un
bon
signe
j’espère
que
pour
quelques-unes
quelques-uns
il
est
un
cadeau
suis
conscient
que
pour
d’autres
ce
n’en
soit
pas
un
pour
moi
la
littérature
est
moins
une
affaire
d’art
beauté
poésie
qu’un
ensemble
de
gestes
d’amitié
expression
partage
(écrit pour le vingtième anniversaire des éditions Sémaphore le 9 février 2023)